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Le blog d'Isabelle

Un bébé après le cancer, et pourquoi pas?

Devenir mère après un cancer ? Pour beaucoup de femmes, c’est un nouveau combat qui commence.

En effet, les traitements du cancer peuvent induire des problèmes de fertilité. Aujourd’hui des solutions existent, mais encore faut-il être informé de ses droits et des modalités de préservation de la fertilité́.

Comment préserver au mieux sa fertilité? Quelles sont les techniques existantes? Les dernières innovations dans le domaine? Comment les femmes concernées ont vécu cette expérience?

Je vous apporte quelques éléments de réponse dans cet article.

La préservation de la fertilité, c’est quoi?

 

Traitements anti-cancéreux et baisse de la fertilité

Tous les traitements n’ont pas le même impact, si les médecins et chercheurs connaissent bien les effets toxiques de certains traitements sur la fertilité́, de nombreuses études se poursuivent pour affiner les données, notamment concernant les nouvelles thérapies.

-La radiothérapie

Les effets de la radiothérapie sur la fertilité dépendent de la zone du corps concernée par le traitement et des doses de rayons délivrées.

La radiothérapie pelvienne (autour de la zone du bassin) peut endommager de manière plus ou moins importante les cellules reproductrices présentes dans les testicules ou les ovaires.

Chez la femme, la radiothérapie peut aussi rendre l’utérus fibreux et les trompes rigides, ce qui altèrera sa nécessaire souplesse pendant une grossesse ou pourra compliquer l’implantation de l’embryon.

-La chimiothérapie

Toutes les chimiothérapies ne sont pas stérilisantes et les risques varient selon chaque patient, les molécules utilisées, la dose prescrite et la durée des traitements.

Les chimiothérapies contenant des agents alkylants (cyclophosphamide, procarbazine, chlorambucil…) sont connues pour être les plus agressives sur les ovaires et les testicules. Suivant la dose prescrite, ces agents ont une action variable, mais le seuil d’agressivité́ est difficile à̀ déterminer.

Une intervention chirurgicale qui a pour objectif d’enlever la tumeur peut aussi affecter la fertilité de façon définitive. C’est notamment le cas pour les cancers de l’utérus ou des ovaires.

Certaines interventions au niveau cérébral sont également susceptibles d’affecter des zones impliquées dans la régulation des hormones sexuelles. Dans ce cas, un traitement hormonal substitutif peut pallier cette mauvaise régulation.

– L’hormonothérapie, proposée dans le cadre d’un cancer hormono-dépendant, bloque l’action des hormones produites par les ovaires. Une grossesse est alors contre-indiquée et le projet parental doit être reporté d’au moins  5 ans.

Une “pause” dans le  traitement de deux ans maximum est parfois possible pour envisager une grossesse.  Chaque situation est différente et doit faire l’objet d’une discussion avec votre oncologue.

Préserver sa fertilité, un droit avant tout

Le cancer touche des femmes de plus en plus jeunes. Les importants progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années permettent aux patientes d’envisager de vraies perspectives de vie après la maladie, y compris celle de devenir mère.

Ce cheminement est aujourd’hui possible grâce à une meilleure connaissance de l’impact des traitements sur la fertilité́ et des moyens pour en limiter les répercussions.  Si le cancer n’est plus forcément un obstacle à la parentalité, il est primordial d’informer le plus tôt possible les patient(e)s à ce sujet.

La Loi du 6 Août 2004 et l’arrêté du 30 juin 2017 relative à la bioéthique (loi n°2004-800) prévoit que “toute personne, homme ou femme, exposée à une prise en charge qui risque d’altérer sa fonction de reproduction peut bénéficier d’une préservation de ses gamètes et de ses tissus germinaux.”

Le Plan Cancer 2014-2019 prévoit également de systématiser l’information auprès des patients et de faciliter l’accès aux plateformes de préservation de la fertilité.

A noter que depuis l’Instruction DGOS/R3/INCa/2017/62 du 23 février 2017 relative à l’amélioration de l’accès aux soins de support des patients atteints de cancer, le soutien à la mise en œuvre de la préservation de la fertilité fait partie des soins oncologiques de support complémentaires.

Le Président de la République a également dévoilé le 4 février 2021 la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030. Ambitieuse, dotée de nouveaux moyens budgétaires, cette stratégie a pour objectif de réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français.

De nombreuses équipes médicales s’organisent pour vous permettre de ne pas renoncer à votre projet d’enfant. La Clinique Mathilde à Rouen, où j’ai été soigné pendant mon cancer, fait partie des établissements qui proposent cette solution.

Le point de vue du Docteur Julie Roset, médecin biologiste responsable du centre d’AMP et de préservation de la fertilité de la clinique Mathilde à Rouen :

Malheureusement, dans les faits, l’information sur ces possibilités et l’accès à ces dispositifs pour les femmes confrontées au cancer est encore très inégale selon les territoires.

La préservation de la fertilité, un enjeu majeur pour les patients atteints d’un cancer.

Préserver sa fertilité est un droit. Mais, alors qu’elles doivent faire face au choc de l’annonce de la maladie, les patientes doivent également prendre la décision de préserver ou pas leur fertilité.

Mais comment se projeter dans l’avenir, envisager de donner la vie, quand la nôtre est en danger ?

Angelique

Angélique, 34 ans témoigne : « A l’annonce de mon cancer, je n’ai pas pensé à ma fertilité, cela ne m’a même pas traversé l’esprit. J’étais avec mon mari depuis 18 ans, on parlait d’enfant tout en n’étant pas tellement pressés, on se disait que l’on verrait dans quelques années.

Quand ma chirurgienne m’a expliqué que la chimiothérapie pouvait parfois rendre une femme ménopausée et que l’hormonothérapie allait aussi repousser le moment d’envisager une grossesse, j’ai eu l’impression que mon monde s’effondrait, peut-être pire qu’à l’annonce de mon cancer du sein.  Je suis en consultation pour parler de mon futur traitement et là d’un coup on me parle de mes ovules!

J’ai eu peur de ne pas pouvoir faire d’enfant, ça a été la douche froide. Et en même temps ça a été le déclic, mon déclic : je savais que j’avais envie de concrétiser ce désir d’enfant et je voulais prendre toutes les précautions possibles.

On m’a alors proposé de préserver des ovocytes ou des embryons et aujourd’hui ce sont 7 embryons qui attendent mon mari et moi.

Ce qu’il faut avoir en tête c’est que le délai fut court pour mettre en place le protocole, j’ai seulement eu un mois avant le démarrage de la chimio, la stimulation hormonale et la ponction d’ovocytes devant être faites avant la chimio pour avoir les meilleures chances.

 Je ne remercierai jamais assez ma chirurgienne, son infirmière coordinatrice et surtout ma gynéco pour leur accompagnement rapide et efficace.

Les techniques de préservation de la fertilité pour avoir un bébé post-cancer

Différentes techniques de préservation permettent aujourd’hui d’envisager un projet d’enfant après la maladie.

S’il n’est toutefois pas possible de garantir un succès à 100%, cela permet de donner des chances aux patientes qui le souhaitent de mener à bien un projet parental après la maladie.

Ces techniques de préservation ne peuvent être mises en œuvre que dans des centres autorisés à la préservation de la fertilité.

La préservation de la fertilité chez la femme

Lors d’une consultation, l’échographie pelvienne couplée à des dosages hormonaux, permettent d’estimer le stock d’ovules (ovocytes) présents au sein des ovaires, autrement dit « l’âge ovarien ». En fonction du résultat, du type de cancer et du protocole de traitement, votre équipe de soins vous  proposera un procédé de préservation de la fertilité le mieux adapté à votre situation.

Trois méthodes existent. Si aucune ne peut garantir une grossesse, toutes multiplient les chances d’avoir un bébé par assistance médicale à la procréation, ou même spontanément.

– La congélation d’ovocytes ou d’embryons est possible pour toutes les femmes, depuis leur puberté jusqu’à 40 ans.

– Le prélèvement d’ovocytes matures est possible quand les traitements peuvent attendre au moins deux semaines.

La patiente reçoit alors pendant 10 à 15 jours une injection quotidienne d’hormone FSH ou d’autres traitements ne faisant pas augmenter le taux d’œstradiol dans le sang (cas des cancers hormono-sensibles : sein, ovaires) en vue de stimuler sa production d’ovocytes matures. Les follicules matures contenant les ovocytes sont alors ponctionnés par voie vaginale, sous contrôle échographique et anesthésie locale ou générale.

Ce stock d’ovocytes peut directement être congelé́ ou bien fécondé́ en laboratoire par les spermatozoïdes du conjoint, dans le cas où le projet d’enfant est déjà̀ envisagé. Les embryons formés sont ensuite congelés par vitrification à – 196 °C dans de l’azote liquide.

– La congélation d’ovules maturés in vitro (en laboratoire) est possible pour les femmes depuis leur puberté jusqu’à 40 ans, qui ne peuvent bénéficier d’une stimulation ovarienne faute de temps ou en raison de tumeurs hormono-sensibles.

Sous anesthésie générale, on ponctionne des ovules partiellement immatures dans des follicules dits antraux . Ces ovocytes sont cultivés in vitro et amenés à maturité en 24-48 heures (maturation in vitro). Ceux qui arrivent à maturité (50% seulement) sont ensuite congelés par vitrification ou fécondés en vue d’une cryopréservation embryonnaire.

Lorsque le désir d’enfant est formulé et après accord de l’équipe médicale, les ovocytes matures peuvent être décongelés pour être fécondés en laboratoire (FIV) avec les spermatozoïdes du conjoint. Si ce sont les embryons qui ont été vitrifiés, ils peuvent également être décongelés, puis implantés dans l’utérus de la patiente.

– La cryopréservation du tissu ovarien est préconisée pour les fillettes avant la puberté et les femmes de moins de 37 ans pour qui la stimulation hormonale est impossible et lorsque le traitement anticancéreux s’accompagne d’un risque important de ménopause.

Sous anesthésie générale, on prélève un demi-ovaire par cœlioscopie. Ensuite, on congèle des fragments de tissu ovarien contenant des ovules très immatures au sein de follicules primordiaux .

Une fois le cancer guéri, on réimplante ces fragments (greffe), ce qui permet à la femme de retrouver des cycles menstruels, et donc la possibilité d’une grossesse naturelle. Il est par ailleurs possible de stimuler les fragments ovariens greffés afin de pratiquer une FIV si la femme n’a pas pu être enceinte « naturellement ».

La préservation de la fertilité chez l’homme

L’autoconservation de spermatozoïdes pour les patients pubères jusqu’à 60 ans.

Le recueil du sperme se fait avant le début de tout traitement. Les spermatozoïdes sont congelés en paillettes et stockés dans de l’azote liquide. Ils peuvent alors être conservés très longtemps sans que leur pouvoir fécondant ne soit altéré.

La conservation de tissus testiculaires pour les patients non pubères.

Cette technique qui consiste à prélever et conserver du tissu testiculaire est encore expérimentale et n’a pas encore permis à ce jour d’obtenir de grossesse dans l’espèce humaine. Des recherches sont actuellement en cours.

Les avancées récentes

Ces dernières années, les méthodes de congélation ont beaucoup progressé. On peut désormais conserver les ovules par vitrification, une technique de congélation ultrarapide qui empêche la formation de cristaux. Elle offre aux femmes davantage de souplesse que la congélation d’embryons. Même si elles ne sont pas encore en couple au moment du prélèvement, elles pourront envisager l’utilisation de ces ovules lorsqu’elles désirent un enfant.

D’autre part, les recherches continuent afin de mieux prédire, pour chaque patiente, le risque réel d’altération de la fertilité.

L’équipe du Pr Blandine Courbière, par exemple, gynécologue à l’hôpital de la conception à Marseille, mène une étude pré́-clinique, soutenue par la Fondation Arc,  pour identifier les lésions de l’ADN provoquées par certains agents de chimiothérapie comme ceux administrés dans les cas de leucémies aigues, et les phénomènes de réparation qui surviennent dans les ovocytes.

Devenir parent après un cancer

 

Votre oncologue, votre premier interlocuteur

Il est aujourd’hui possible de mener à terme une grossesse après un cancer, moyennant certaines précautions. Les oncologues préconisent classiquement un délai de 2 à 3 ans entre la fin des traitements et la conception. Cela est lié au fait que le taux de rechute est malheureusement plus important dans les 2 premières années, notamment chez les femmes jeunes.

Pour les femmes sous hormonothérapie, ce médicament a la particularité d’être tératogène, c’est-à-dire qu’il est susceptible d’induire des malformations de l’enfant. Il est donc indispensable d’avoir une contraception.

En cas de désir de grossesse, il est préconisé d’arrêter le traitement 3 mois avant la conception, afin d’attendre que le corps n’ait plus de trace du médicament.

Quelle que soit votre situation,  le projet d’enfant doit être discuté avec votre équipe médicale.

Un nouveau bonheur

LaurieLaurie témoigne : “Dès l’annonce de mon cancer fin 2015, nous avons exprimé, de concert, les oncologues et moi, la possibilité de préserver ma fertilité pour l’après cancer. J’ai été pris en charge très rapidement, 8 ovocytes ont été prélevés. Mon mari a été également mis à contribution et 2 embryons ont été préservés en attendant la suite…

J’ai exprimé rapidement après l’annonce de ma rémission, le souhait d’avoir un 2ème enfant. L’établissement qui me suivait préférait attendre 2 ans après la fin de mes traitements. En janvier 2019, le gynécologue a retiré le stérilet en cuivre que je portais. Malgré un bilan hormonal peu encourageant, je suis tombée enceinte le cycle suivant de façon totalement naturelle…

Je n’ai pas osé croire en ce nouveau bonheur qui s’ouvrait à nous. Et pourtant Zoé est arrivée en Octobre 2019. Cerise sur le gâteau, je l’ai allaitée 8 mois malgré ma mastectomie : comme quoi, il faut toujours s’accrocher et croire en ses rêves les plus fous…”

Pour conclure

Dans ce difficile combat contre la maladie, j’ai eu la chance d’avoir le soutien de mes deux filles : Lisa et Cécile. Je mesure aujourd’hui le bonheur d’avoir eu la possibilité de porter un enfant, de donner la vie, de devenir maman.

Mais je pense à toutes ces sœurs de combat, pour qui le désir d’être mère devient un nouveau parcours de combattante.

Il est primordial que toutes les patientes bénéficient, dès l’annonce de la maladie, d’une information concernant la possibilité de préservation de leur fertilité afin de leur permettre de faire un choix éclairé et d’agir en conséquence pour ne pas rater cette opportunité dans le grand chamboulement qu’est le cancer.

 

Isabelle Guyomarch
Isabelle Guyomarch
Isabelle Guyomarch est une professionnelle passionnée et aguerrie dans les univers pharmaceutique et de la cosmétique quand elle est touchée par un cancer du sein en 2013. En 2017, elle crée Ozalys, une marque de dermo-cosmétiques créée par des femmes pour les femmes touchées par le cancer.